Système de publication

1. Brève histoire de la publication scientifique
2. Pourquoi publier ?
3. Qu’est-ce qu’une publication aujourd’hui ?
4. Processus de publication : journal à comité de lecture & révision par les pairs
5. Exception des prépublications (preprints)
6. Facteur d’impact (impact factor)
7. Limites et critiques du modèle actuel de publication
8. Comment avoir accès aux publications ?

Une publication scientifique correspond à la présentation écrite des résultats d’une recherche (théorique, expérimentale, bibliographique ou de terrain) sur un sujet en particulier.  Elle est publiée dans un journal scientifique, dont le public est principalement composé des autres chercheuses et chercheurs travaillant sur ce domaine d’étude. La publication est le moyen principal employé par les scientifiques pour partager leurs recherches et se tenir au courant de celles de leurs collègues.

1. Brève histoire de la publication scientifique

Première page du premier numéro du Journal des sçavans.
Premier numéro du Journal des sçavans paru en janvier 1665 ; domaine public.

Les premières revues scientifiques dans lesquelles des scientifiques — amateurs — communiquaient leurs résultats datent de 1665. La première serait le Journal des sçavans, en France, et la seconde, le Philosophical Transactions of the Royal Society, en Angleterre. D’autres ont ensuite suivi.

À l’époque, au XVIIe et XVIIIe siècles, ce sont les éditeurs, parfois scientifiques eux-mêmes, qui jugeaient la pertinence des articles avant publication. Ils faisaient régulièrement appel à des confrères pour avis complémentaire, mais il n’existait alors pas de processus de relecture systématique (plus d’informations ici).

Au départ généralistes, les journaux se sont ensuite progressivement spécialisés par discipline et spécialité scientifique.

Le système de publication actuel, basé sur la relecture par les pairs, date du milieu du XXe siècle. Cette époque est également marquée par l’institutionnalisation progressive de la recherche : mise en place du statut et métier de chercheur, payé par l’État ; création des premiers laboratoires publics (en France et Angleterre notamment).

Historiquement, les revues scientifiques ont contribué et contribuent toujours à l’évolution des sciences et du métier même de chercheur. Elles permettent aux scientifiques de communiquer entre eux mais, plus largement, elles ont actuellement le pouvoir de décider de ce qui est publiable et donc de ce qui constitue un résultat scientifique.

2. Pourquoi publier ?

La publication de résultats scientifiques permet avant tout à une équipe de recherche de partager ses travaux. C’est la contribution de chaque chercheuse et chercheur à l’avancée des connaissances scientifiques.

Cependant, dans le monde scientifique, il existe également une règle, tacite mais inexorablement appliquée, qui consiste à ce que la première équipe à trouver quelque chose soit la seule à en récolter le prestige. Cette tradition est discutable à bien des égards, puisque pour être consensuels et reconnus, les résultats doivent pouvoir être reproduits par d’autres équipes de recherches (voir la page sur la méthodologie scientifique). Or, ces publications secondaires sont pour la plupart moins valorisées et valorisables. Dans un contexte actuel marqué par une forte compétition entre équipes pour obtenir des financements, publier ses travaux rapidement permet de prouver leur antériorité.

3. Qu’est-ce qu’une publication aujourd’hui ?

De nos jours, les publications scientifiques existent surtout en format numérique. Dans la plupart des cas, il faut payer pour les consulter. La langue la plus utilisée est l’anglais ; même s’il existe de nombreux journaux scientifiques publiant dans la langue nationale, surtout dans les disciplines littéraires, humaines et sociales. La longueur d’une publication varie en fonction des journaux et des disciplines (de 2-3 pages à plusieurs dizaines voire plus de 200 pages).

Une publication comprend toujours plusieurs parties, plus ou moins distinctes :

  • Une introduction qui présente le contexte bibliographique et scientifique dans lequel s’inscrit le travail présenté.
  • La méthodologie qui explique la démarche de recherche utilisée. En sciences expérimentales, elle doit permettre à d’autres équipes de refaire les expériences dans les mêmes conditions et garantir ainsi la reproductibilité des résultats.
  • Les résultats des recherches ainsi que leur interprétation et analyse.
  • Une discussion qui replace les résultats et conclusions dans le contexte et apporte un regard critique sur les travaux. Par exemple, c’est l’occasion de discuter de ce qui devrait être vérifié dans une étude future, des faiblesses éventuelles de la méthodologie employée, des questions auxquelles l’étude répond et celles qui en découlent, etc.
  • La bibliographie, c’est-à-dire l’ensemble des études passées auquel la publication fait référence.
  • Éventuellement le recensement des financements et des possibles conflits d’intérêts.

Dans le jargon scientifique, on appelle review ou survey (littéralement revue et enquête, respectivement) une publication qui ne présente pas le résultat d’une recherche scientifique, mais un état de l’art de la bibliographie existante sur un sujet précis, et notamment des recherches les plus récentes. C’est un peu comme un cours très pointu et actualisé. 

Les journaux qui publient les publications scientifiques sont dits à comité de lecture.

Pour aller plus loin, voici un site complet sur la littérature scientifique.

4. Processus actuel de publication : journal à comité de lecture & révision par les pairs

Photographie de lunettes posées sur un livre ouvert

Un journal à comité de lecture soumet les articles à ce que l’on appelle la révision par les pairs. C’est-à-dire que l’article proposé par les chercheuses et chercheurs va être relu et évalué par d’autres scientifiques qui donneront leur avis sur la pertinence de la publication dans le journal en question. C’est le fondement de l’acceptation d’un travail scientifique aujourd’hui et c’est ce qui en garantit la qualité. 

En pratique, comment ça fonctionne ? L’équipe de recherche va tout d’abord choisir le journal auquel elle souhaite proposer son manuscrit. Son comité éditorial décide ensuite si le sujet traité et les résultats sont adaptés au journal et en respectent la ligne éditoriale. Les critères sont variables d’un journal à un autre. Si l’article rempli cette première condition, il entre ensuite dans le processus de relecture par les pairs à proprement parler. 

Il est alors envoyé à plusieurs scientifiques qui travaillent sur le sujet ou un sujet proche. Ils vont relire l’article attentivement puis soit le juger directement prêt à être publié (plutôt rare) soit conseiller des améliorations (expériences ou recherches supplémentaires, etc.) soit conseiller son refus. Ces retours sont ensuite envoyés aux autrices/auteurs qui sont libres d’y répondre et de modifier leur article. La deuxième version de l’article est envoyée de nouveau pour relecture. Finalement, c’est l’éditeur/éditrice en chef qui décide, en fonction des retours des pairs, de la publication ou non de l’article. 

La révision par les pairs se fait à l’aveugle : les relectrices/relecteurs sont anonymes à la fois pour les autrices/auteurs, mais également entre eux dans la majorité des cas.

L’intégralité du processus, de la soumission à la publication, prend généralement plusieurs mois, voire plusieurs années. 

5. Exception des prépublications (preprints)

Étant donné l’importance qu’il y a, aujourd’hui, à être le ou la première à publier un résultat mais que le processus de publication est long, certaines équipes font le choix de publier en ligne une version de leur article avant de le soumettre à un journal. Ces prépublications sont en accès libre sur des sites dédiés (ex : arXiv en physique, mathématiques, informatique, économie quantitative ou bioRxiv en biologie). Elles permettent d’avoir accès à des résultats plus tôt, de faire antériorité sur un sujet, et de donner un accès gratuit aux résultats. Pour autant, les résultats n’ont pas été relus et révisés par les pairs. Cela ne veut pas dire que les prépublications sont de moins bonne qualité, mais elles n’ont pas encore passé le contrôle qualité en vigueur et sont souvent moins abouties.

Les prépublications sont généralement publiées dans des journaux à comité de lecture quelque temps plus tard, mais très majoritairement après quelques modifications. Dans certains cas et en fonction des journaux, les équipes de recherche peuvent alors ajouter la version révisée par les pairs à la version prépubliée.

6. Facteur d’impact (impact factor

Les journaux scientifiques sont classés selon leur facteur d’impact. C’est un critère qui évalue la visibilité d’un journal dans la communauté scientifique, en calculant le nombre de fois où ses publications sont citées dans la bibliographie des autres publications. Un journal possédant un facteur d’impact haut est considéré comme plus influent. Il est davantage prisé par les chercheuses et chercheurs car publier dans un journal de haut facteur d’impact sera mieux valorisé dans leur carrière (obtention d’un poste, de financements, etc.). 

Il existe d’autres méthodes pour calculer la « productivité » académique d’un chercheur ou d’une chercheuse (comme l’indice H), même si le facteur d’impact de ses publications est actuellement le plus utilisé.

7. Limites et critiques du modèle actuel de publication

a) Qui paye quoi ?

Photo t'une tirelire en cochon

Une des plus grosses critiques du système actuel est basée sur le fait que les équipes de recherche doivent payer à la fois pour publier (surtout en sciences expérimentales) et pour consulter les publications. Elles n’en tirent pas de droits d’auteur, qui sont cédés aux maisons d’éditions. Alors même que la recherche fondamentale et les chercheurs sont payés par l’État, les seules personnes qui profitent financièrement du système sont les journaux (maisons d’éditions privées).

Pour publier :

L’équipe de recherche paie le journal pour y publier un article. Certains journaux demandent des frais pour simplement soumettre un article, qu’il soit accepté ou non. Grossièrement, il faut payer plus cher pour publier dans un journal en accès gratuit et libre (open access, gratuit pour le lecteur) que dans un journal pour lequel la lecture est payante. Dans ce dernier cas, certains journaux ne font pas payer, mais ils sont une minorité.

Ce point est à l’origine des revues prédatrices (plus d’informations ici et ici).

Pour consulter :

La consultation de la plupart des articles est payante. En règle générale, les laboratoires et universités sont abonnés aux journaux utiles à leurs équipes de recherche.

Les articles en accès libre et gratuit (open access) sont consultables gratuitement et libres de droits, pour toutes et tous. Ils sont encore minoritaires même si leur proportion augmente.

Pour réviser un article :

Chercheurs et chercheuses ne sont pas payés par les journaux pour la relecture par les pairs. Ils la réalisent sur leur temps de travail, à titre gracieux.

Pour aller plus loin :

b) Critique des journaux à comité de lecture et de la révision par les pairs

Le principe de la relecture par des pairs reste soutenu par la communauté de la recherche. Pourtant plusieurs points questionnent les garanties apportées par ce système.

Confiance à l’égard des résultats scientifiques

Certaines disciplines subissent depuis plusieurs années des problèmes de non reproductibilité des résultats issus des publications scientifiques. Cela amène à des questionnements sur les méthodologies employées. De plus, des cas de fraudes scientifiques aboutissent ponctuellement à la rétractation de publications, remettant en question la fiabilité de la relecture par les pairs.

Ces deux sujets ont des causes multifactorielles liées au système de publication et aux politiques de la recherche.

Nous vous recommandons quelques articles et un podcast pour vous renseigner davantage sur ces questions :

Publication de sujet à la mode

La place prépondérante des publications dans la carrière des chercheurs, l’importance des systèmes de notation comme le facteur d’impact, et les intérêts financiers des maisons d’éditions scientifiques poussent ces dernières à biaiser le choix des sujets traités en faveur de ce qui est à la mode. C’est-à-dire les sujets qui, à un moment donné, rapportent le plus de financements aux chercheurs, intéressent les publics et sont priorisés par les politiques. Actuellement, les sujets à la mode sont entre autres l’intelligence artificielle, le climat, la biodiversité, les maladies neurodégénératives, les cancers, les nanoparticules, la matière active, les sciences de l’éducation, le big data (= données massives, c’est-à-dire le stockage et traitement d’énormes quantités de données).

Il est également plus aisé d’obtenir des financements lorsque les recherches ont des applications possibles à court terme. Or, l’histoire des sciences et des techniques a démontré l’importance des recherches fondamentales sans application prévue. Par exemple, le premier laser a été mis au point en 1953, soit plusieurs décennies après sa théorisation par Albert Einstein en 1917 [1].

Publication uniquement des résultats positifs
Photographie d'un mur décoré avec le texte « Learn from failure »
« Apprendre de l’échec »

À de rares exceptions près, les publications scientifiques présentent des résultats positifs. Les équipes ne communiquent presque pas lorsqu’elles font chou blanc. Les protocoles qui ne fonctionnent pas, les traitements inefficaces, les études sociologiques non concluantes, etc. sont les grands absents de la littérature scientifique. Pourtant, ils sont aussi importants que les résultats positifs, car ils permettraient aux autres équipes de ne pas perdre de temps en s’engageant sur une voie qu’une équipe sait être une impasse.

Utilisation incomprise des statistiques

En sciences biomédicales, pour qu’un article soit publié dans un journal à comité de lecture, il faut que les résultats soient statistiquement significatifs. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Avant de commencer l’expérience, les scientifiques émettent une hypothèse de travail. Ensuite, à l’aide de test statistiques, ils et elles analysent les résultats et obtiennent une valeur p (p-value en anglais), c’est-à-dire la probabilité que la différence entre les conditions est uniquement due au hasard. Si cette valeur p est en dessous d’un seuil de significativité fixé à l’avance, alors l’hypothèse sera considérée validée. Une explication plus détaillée de l’élaboration des hypothèses et de l’utilisation des tests statistiques est disponible sur la page Méthodologie scientifique

Toute la question vient du fait qu’en fonction du test statistique utilisé et de la nature de l’échantillon, le résultat de cette valeur p peut varier. Accorder le bon test statistique et le bon seuil à son expérimentation est quelque chose de complexe. Les statisticiennes et statisticiens de métier mettent en garde la communauté scientifique depuis plusieurs années sur leur bonne utilisation. Pourtant, dans de nombreux journaux encore aujourd’hui, si la valeur p < 0,05 ou p < 0,01, alors le résultat sera considéré comme convaincant pour les éditeurs et relecteurs, sans essayer d’aller plus loin dans la compréhension des statistiques appliquées. C’est de nos jours le critère déterminant pour qu’un article soit accepté pour publication.

Cependant, décider de la validité d’un résultat scientifique uniquement parce que la valeur p est sous le seuil de significativité est un critère arbitraire. Cela n’assure pas nécessairement que le résultat obtenu soit « biologiquement vrai », et réciproquement. En mars 2019, plus de 800 chercheurs ont rédigé une tribune dans la revue scientifique Nature, demandant à ce que les scientifiques et éditeurs arrêtent de décider si un résultat est bon sur le simple critère du statistiquement significatif.

Pourtant, d’autres approches statistiques pourraient être appliquées, comme par exemple les statistiques bayésiennes. Pour plus d’informations, nous abordons le sujet sur la page Méthodologie scientifique.

Pour aller plus loin :

c) Conclusion sur les limites du système de publication

Cette partie pourrait laisser penser que les publications scientifiques ne sont pas fiables. Il faut cependant garder à l’esprit que les recherches sont conduites avec rigueur et que les articles sont écrits et relus avec sérieux. Comme tout système, le système de publication a des défauts. La communauté scientifique travaille activement à son amélioration, à tous les niveaux cités précédemment. En particulier, des groupes de travail sont organisés dans les structures de recherche ; des formations à l’éthique, à l’intégrité et à la rigueur scientifique ont été mises en place pour les doctorants et les chercheurs, qui prennent d’ailleurs de plus en plus la parole pour faire bouger les choses. Exemple d’une initiative étudiante de séminaires de recherche discutant de la reproductibilité des résultats, de la science ouverte (= accessible à toutes et tous) et des bonnes pratiques de recherche : ReproducibiliTea (en anglais).

Certains journaux commencent également à publier des résultats négatifs, même s’ils restent rares. D’autres proposent des modes de révision par les pairs alternatifs, comme Zilsel, où l’évaluation est ouverte et ne se fait donc pas à l’aveugle. Il existe également un autre modèle de publication, dit sur « rapport pré-enregistré » (registered report en anglais). Dans celui-ci, l’équipe de recherche propose à un journal une problématique et un protocole de recherche associé. Si ce protocole est accepté, après révision par les pairs, le journal s’engage à publier les résultats, quels qu’ils soient. Ce modèle aboutirait à davantage de publication de résultats négatifs, mais aussi à une plus grande reproductibilité des études et des résultats [2].

L’idée de cette partie est de montrer que toute publication doit être lue et analysée avec distance, avec une connaissance fine du contexte scientifique, de la méthodologie employée par l’étude et des biais du système. C’est ce que nous vous proposons sur ce site.

8. Comment avoir accès aux publications ? 

Voici une liste de différents moteurs de recherche permettant de trouver une publication scientifique par domaine. Google Scholar est un moteur de recherche pratique en première intention car il est multidisciplinaire et performant. La recherche se fait par mot-clé, en anglais.

Les publications en accès libre et gratuit (open access) sont consultables et téléchargeables gratuitement et sont libres de droits. On peut les trouver grâce à la base de données Unpaywall.

En français, les portails OpenEdition Journals, Persée et Cairn proposent des publications en lettres, sciences humaines et sciences sociales. Persée ne propose que des textes libres de droit et en consultation gratuite. HAL est une archive ouverte pluridisciplinaire, gérée par le CNRS, sur laquelle sont déposés des publications scientifiques, des thèses, et d’autres documents issus de la recherche. Tout ce qui s’y trouve est en accès libre.

Il est également possible d’accéder aux publications directement sur le site des journaux scientifiques. Certains d’entre eux ne publient pas uniquement des publications scientifiques. Par exemple, Nature propose également des articles sur les nouvelles de la recherche, écrits par son équipe journalistique ainsi que des articles d’opinion venant de chercheuses et chercheurs. Il est alors conseillé de vérifier la nature des articles proposés et de bien les distinguer.

Pour les publications payantes, il existe différents moyens :

  • payer l’accès ou s’abonner au journal ;
  • contacter directement un auteur ou une autrice de la publication, par mail ou via la plateforme ResearchGate, sorte de réseau social entre scientifiques ;
  • utiliser #ICanHazPDF sur Twitter ;
  • aller sur le site Sci-Hub (attention, site illégal !)

Si vous souhaitez de l’aide pour réaliser en anglais une recherche légale de publication ou pour contacter une autrice ou un auteur, n’hésitez pas à nous envoyer un mail.


[1] En bref : le premier laser optique a 48 ans !, par Futura Sciences

[2] Préenregistrer les études scientifiques réduit le biais de publication, par Pour la Science


Texte uniquement.