La circulation océanique offre-t-elle des proies à un superprédateur marin ?

Traduction
Collaboration

Cette traduction a été réalisée par un étudiant du Master Rédacteur/Traducteur de l’Université de Bretagne-Occidentale de Brest, dans le cadre d’un enseignement intitulé « Agence de traduction fictive ».

Cet article a été traduit depuis le site Oceanbites

Écriture (anglais) : Samantha Setta
Traduction : Julien Jouan
Relecture : Audrey Denizot et Eléonore Pérès

Difficulté :
Temps de lecture : environ 4 minutes.
Thématique : Comportement animal (Biologie), Écologie

Publication originale : Braun C.D., et al., Mesoscale eddies release pelagic sharks from thermal constraints to foraging in the ocean twilight zone. PNAS, 2019. DOI : 10.1073/pnas.1903067116

Crédit : davidclode/Unsplash

Dans les océans du monde entier, les vastes courants marins déplacent l’eau d’un océan à l’autre. Au large de la côte Est des États-Unis, le Gulf Stream joue un rôle majeur dans le déplacement des eaux chaudes du sud vers les côtes de la Nouvelle-Angleterre. Des masses d’eau appelées tourbillons océaniques se détachent des eaux tourbillonnantes du Gulf Stream en transportant l’eau vers le littoral ou au large. Il existe deux sortes de tourbillons océaniques distincts en fonction de leur sens de rotation : 1) les tourbillons océaniques anticycloniques (TOA) qui poussent les eaux chaudes de surface en profondeur dans le sens des aiguilles d’une montre, ainsi que les 2) tourbillons océaniques cycloniques (TOC) qui remontent les eaux profondes froides vers la surface dans le sens inverse des aiguilles d’une montre (Figure 1). Jusqu’alors, les tourbillons océaniques anticycloniques chauds étaient connus pour être désertiques. Cependant, il a récemment été montré que les TOA sont des points chauds de nourriture pour l’un des requins les plus exploités de l’océan Atlantique.

À gauche, un ovale rouge entouré de flèches qui vont dans le sens des aiguilles d'une montre (de gauche vers droite). À droite, un ovale bleu entouré de flèche qui vont dans le sens inverse. À gauche, l'ovale rouge est légendé "Tourbillon océanique anticylconique noyau chaud". Sous l'ovale rouge, une flèche qui va vers le bas légendée "Hauteur de la surface de la mer plus élevée car l'eau chaude de surface est poussée en profondeur." À droite, l'ovale bleu est légendé "Tourbillon océanique cylconique noayu froid". Sous l'ovale bleu, une flèche qui va vers le haut légendée "Hauteur de la surface de la mer plus basse car l'eau froide de surface est tirée de la profondeur vers la surface."
Figure 1. Schéma comparatif illustrant les tourbillons océaniques anticycloniques face aux tourbillons océaniques cycloniques. 

Que montre l’étude ?

La pêche dans les eaux pélagiques ou en océan ouvert fournit plus de 80 % de la consommation humaine en poisson, mais est difficile à suivre et à réguler. Les stratégies de gestion des courants marins utilisent des modèles scientifiques qui prédisent où et quand les poissons sont les plus vulnérables. Toutefois, ces modèles sont généralement statiques et ne considèrent aucun changement de circulation et des conditions océaniques. Dans l’optique de faire le lien entre les interactions biologiques et physiques dans l’océan Atlantique, les auteurs de la publication scientifique ont rassemblé des balises et des images satellites, ainsi que des modèles scientifiques. Ils ont suivi le requin bleu, important prédateur et l’un des requins les plus exploités par l’espèce humaine dans l’océan Atlantique. Des balises satellites attachées à 15 individus ont enregistré leurs positions et différents facteurs comme la température, la salinité et la profondeur de l’eau. Ces informations ont été corrélées à la hauteur de la surface de la mer enregistrée par satellite. La hauteur de la surface de la mer indique les types de tourbillons océaniques présents à un instant T. Si elle est élevée, cela est associé aux eaux chaudes des TOA ; si elle est faible, c’est associé aux eaux froides des TOC. Des modèles regroupant toutes ces mesures ont donc été créés afin de déterminer l’existence de tendances dans le comportement d’approvisionnement en nourriture (= nourrissage) chez le requin bleu associées aux TOA et aux TOC.

Les auteurs ont constaté que les requins bleus se trouvent significativement davantage au centre des TOA qu’au centre des TOC et sont plus susceptibles de se nourrir dans ces TOA. Les requins bleus sont également susceptibles de plonger plus longtemps et plus profondément dans les TOA chauds. En fait, des temps de plonge plus longs liés à leur nourrissage ont même été enregistrés dans l’eau froide des TOC provenant des zones plus chaudes de l’océan. Ces deux découvertes suggèrent que la température est un facteur important dans la quête de nourriture du requin bleu, avec une limite de 12° C à l’intérieur des tourbillons océaniques. Grâce à la température plus élevée en profondeur des TOA et des TOC plus chauds, les requins bleus sont capables de plonger plus profondément et plus longtemps pour chercher leurs proies. Ils ont donc accès à une partie de l’océan qu’ils ne pourraient normalement pas atteindre. Ces zones en profondeur dites crépusculaires contiennent beaucoup de poissons généralement inaccessibles pour le requin bleu. Par conséquent, ces masses d’eau tourbillonnante plus chaudes (TOA) fournissent davantage d’opportunités de nourrissage pour les requins bleus.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Auparavant, les tourbillons océaniques anticycloniques plus chauds, tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, étaient considérés comme des déserts océaniques dotés d’une plus faible densité de poissons que les TOC plus froids, tournant eux dans le sens inverse. Cette étude montre que les TOA fournissent aux requins bleus fortement exploités d’importantes opportunités de nourrissage. Associer les interactions physiques (tourbillons océaniques) et biologiques (nourrissage des requins bleus) révèle des habitats importants sur le plan écologique et inconnus auparavant qui auraient autrement été négligés. Les futures stratégies de gestion de l’océan devraient prendre en compte et adopter plus de modèles dynamiques comme celui utilisé dans cette étude afin d’appréhender les conditions océaniques affectant les zones de pêche.


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