Écriture : Anne-Sophie Masson
Relecture scientifique : Maud Billaud
Relecture de forme : Lucile Rey et Eléonore Pérès
Temps de lecture : environ 13 minutes.
Thématiques : Biologie, Écologie
Publication originale : van den Hoogen J., et al., Soil nematode abundance and functional group composition at a global scale. Nature, 2019. DOI : 10.1038/s41586-019-1418-6. Accès libre sur HAL.
De l’importance des choses invisibles pour les yeux
Les nématodes du sol sont des animaux microscopiques au rôle crucial dans la vie sur Terre. De par leurs grandes abondance et diversité, ils assurent le bon fonctionnement des sols. Néanmoins, leur répartition géographique reste méconnue. Des scientifiques ont entrepris l’exploration des sols terrestres en regroupant les résultats de près de 6 800 échantillons pour modéliser une carte des nématodes à l’échelle mondiale. Dans un article publié en 2019, ils ont ainsi pu estimer l’abondance et la répartition des groupes de nématodes dans tous les sols du globe ! Et devinez où l’on trouve le plus de nématodes sur terre ? La réponse pourrait vous surprendre…
La biodiversité, c’est aussi ce qu’on ne voit regarde pas
Lorsque l’on parle de biodiversité, on pense souvent d’abord à des animaux exotiques comme des poissons aux couleurs flamboyantes sous les tropiques, ou la girafe dans la savane. Certains songent peut-être à des animaux plus célèbres et rares à nos yeux comme l’inclassable ornithorynque, ou le panda dont l’effort de conservation est devenu emblématique. Si l’on cherche maintenant dans notre environnement proche, on peut penser aux oiseaux. Ils sont certes moins colorés chez nous mais bien visibles au printemps et semblent regagner du terrain, au moins dans certaines consciences humaines. En effet, de nombreuses espèces plus communes (ce qui ne veut pas dire moins importantes) constituent une part non négligeable de la diversité biologique, dont nous faisons nous-même partie et au sein de laquelle nous interagissons avec toutes les autres espèces [pour approfondir : voir note A].
Remarquez comme on s’est focalisé jusqu’ici seulement sur la faune visible. Pour cause, la biodiversité englobe toutes les formes de vie mais elle ne nous évoque que rarement des espèces microscopiques, avec lesquelles nous sommes pourtant en contact direct en permanence. Parmi elles, les nématodes. Ces animaux peu connus et pourtant si importants peuplent tous les sols terrestres. On peut même en retrouver grouillant dans nos jardins ! Regardez de près ce qu’il y a à vos pieds, et imaginez le sol comme une jungle microscopique où vit une faune abondante et diversifiée d’espèces de vers (Figure 1). Bienvenue dans le monde des nématodes…
Les nématodes, kesako ?
Si vous n’en avez jamais entendu parler, vous allez peut-être vous souvenir de ce moment comme celui où vous avez redécouvert le monde (microscopique du moins) qui vous entoure. Rien que ça ! Pour commencer, nématode signifie littéralement « comme un fil » car ce sont des organismes filiformes. Ce sont des vers dits ronds (par opposition aux vers plats) dont la structure est très simple : si on fait une coupe transversale d’un nématode comme on coupe un saucisson, on peut voir, très schématiquement, un tube (son intestin) dans un autre tube (le corps du nématode) délimité par une enveloppe épaisse que l’on appelle la cuticule. Les nématodes du sol comme l’espèce Caenorhabditis elegans (Figure 2) sont souvent translucides et invisibles à l’œil nu ; ils sont microscopiques puisqu’ils mesurent environ 1 mm de longueur pour 20 µm de diamètre. À l’inverse, on peut trouver des nématodes qui mesurent des dizaines de centimètres, mais c’est une autre histoire.
Attention, malgré leur petite taille, ne sous-estimez pas l’importance des nématodes, car ils constitueraient le groupe des métazoaires le plus abondant sur terre [pour approfondir : voir note C] ! En plus de cette exceptionnelle abondance, ce groupe d’animaux est unique par son extrême diversité, qui permet aux nématodes de vivre dans tous les environnements possibles sur terre ou dans les mers. Certains sont même adaptés pour survivre dans des conditions hostiles (sources chaudes, déserts, Antarctique, sédiments marins profonds, etc.). Chaque espèce possède ses propres spécificités (et vous allez voir que cela est d’ailleurs très utile pour le fonctionnement du sol), si bien qu’ils forment ensemble ce qu’on pourrait appeler une « supercommunauté » ! Bon d’accord, ce mot n’est pas dans le dictionnaire… En revanche, on appelle nématofaune l’ensemble des nématodes dans un environnement. Rien qu’une poignée de terre peut contenir des centaines de nématodes divers et variés, et dans ce monde de nématodes chacun mène une petite vie parfois bien remplie et agitée !
La vie en communauté des nématodes
Une autre particularité de ce groupe d’animaux est leur mode de vie. Chez les nématodes, il y a ceux qui, innombrables surtout dans les profondeurs marines, mènent une vie libre sans dépendre d’un autre organisme pour subvenir à leurs besoins, et ceux qui, minoritaires heureusement, sont des parasites de plantes ou d’animaux. Certains nématodes causent ainsi des maladies assez impressionnantes chez l’humain (n’allez surtout pas chercher d’image dans votre moteur de recherche favori…). Malgré tout, nous ne sommes généralement pas familiers avec les nématodes, car ils sont majoritairement invisibles (microscopiques et transparents) et inoffensifs pour l’humain. Ils jouent néanmoins un rôle important dans de nombreux écosystèmes, comme nous allons le voir dans les sols terrestres, sous nos propres yeux pieds (Figure 3) !
Pour encore mieux connaître les nématodes, intéressons-nous maintenant à ce qu’ils mettent dans leur assiette. La majorité se nourrit de bactéries, de champignons, de plantes ou d’autres animaux du sol et même d’autres nématodes. Je vous l’avais dit que leur vie n’était pas si tranquille ! Un nématologiste — une espèce en voie de disparition : un chercheur spécialisé dans l’étude des nématodes — peut déduire le régime alimentaire d’un nématode en observant au microscope sa morphologie buccale [pour approfondir : voir note D]. Ils peuvent ainsi être classés selon leur groupe trophique, c’est-à-dire en fonction de leur régime alimentaire : ils sont soit bactérivores, fongivores (= mangent les champignons), phytophages (= mangent les plantes), omnivores ou carnivores. Les nématologistes ont remarqué que l’ensemble des nématodes se nourrit de nombreux organismes dans la chaîne alimentaires et qu’ils sont présents à tous les niveaux trophiques : ils peuvent être consommateurs primaires, secondaires ou tertiaires. On dit qu’ils sont le reflet du réseau trophique entier d’un sol. Si l’on collecte la nématofaune des sols terrestres et que l’on interroge chaque nématode sur l’identité et l’abondance de son groupe trophique, alors on peut en apprendre beaucoup sur l’état de notre biosphère [pour approfondir : voir note E]. Comme les données sont très limitées (et limitantes) à ce sujet, des chercheurs ont entrepris d’étudier la nématofaune du sol à l’échelle mondiale. Rien n’est trop ambitieux quand il s’agit de nématodes !
Sur la piste des nématodes… Par où commencer ?
Vous l’avez compris, les nématodes sont très abondants dans les sols terrestres. Ils sont a priori présents sous tous les climats et à toutes les latitudes. Mais qu’en est-il vraiment ?
Un grand consortium international de pas moins de 70 scientifiques s’est penché sur la question dans un article intitulé « Abondance des nématodes du sol et composition en groupes fonctionnels à une échelle mondiale ». Des études précédentes avaient déjà établi une cartographie des communautés de nématodes du sol, mais le résultat était peu précis à cause du nombre restreint d’échantillons de sols collectés (135 sols, au mieux, dans une étude récente [2]. Et ce n’est pas assez ?!) et de la méthode utilisée [pour approfondir : voir note F]. Contre toute attente, les résultats montraient que les régions chaudes tropicales, où la biomasse végétale est élevée, ne sont pas celles où les nématodes sont les plus nombreux. Au contraire, il semblerait que les nématodes sont plus abondants dans des régions de hautes latitudes !
Pour vérifier où se trouve la destination préférée des nématodes, van den Hoogen et ses collaborateurs ont publié en 2019 une nouvelle carte plus robuste, dont on va parler ici. Pour la construire, ils ont regroupé les résultats de nombreux nématologistes travaillant dans le monde entier afin d’obtenir un nombre beaucoup plus élevé de sites de prélèvements (près de 6 800. Ah oui, c’est beaucoup plus !). Ces sols sont géographiquement espacés sur tous les continents, pour pouvoir être soumis à tous les climats et représenter tous les biomes (= milieux de vie) possibles. Ensuite, au lieu d’utiliser des approches moléculaires [pour approfondir : voir note F], les nématodes ont tout simplement été comptés et identifiés au microscope. La bonne vieille méthode !
Après avoir compté des millions de nématodes…
D’après les résultats, les auteurs de cette étude observent de la variabilité dans l’abondance des nématodes selon le groupe trophique (Figure 4B) et le biome (Figure 4C). Cela justifie la nécessité de travailler sur une grande base de données d’observations afin d’avoir un aperçu complet sur la nématofaune : l’observation des nématodes totaux (Figure 4A), d’un seul groupe trophique ou bien d’un seul biome ne suffit pas à représenter la nématofaune entière sur Terre. En particulier, on observe que les déserts chauds ou froids (en bas de l’échelle sur la Figure 4C) contiennent le moins de nématodes, tandis que la toundra et les forêts boréales (en haut de l’échelle) en contiennent le plus. Un premier indice pour confirmer l’hypothèse de départ selon laquelle les nématodes afflueraient bel et bien dans les hautes latitudes.
De plus, en compilant les caractéristiques des biomes aux endroits où ont été collectés les échantillons, les auteurs ont extrapolé les résultats à tous les autres endroits sur Terre. Ils en ont déduit les résultats sur la nématofaune, précisément là où les nématodes n’avaient pas été échantillonnés. Oui, ça peut se faire, à condition d’avoir une bonne méthode ! [pour approfondir : voir note G]
Combien y a-t-il donc de nématodes sous nos pieds ?
Si vous avez survécu aux détails de la méthode sans trop de dommages collatéraux, le suspens doit être à son comble. Sans plus attendre, déroulons la mappemonde des nématodes…
Ce que le modèle révèle rapidement (Figure 5), c’est qu’il y a un gradient d’abondance selon la latitude. Il est clairement visible dans l’hémisphère nord : plus on va vers le nord et plus les régions passent du violet au jaune, ce qui correspond à des abondances de plus en plus élevées (contre-intuitivement pour ces couleurs, nous sommes d’accord). Une telle tendance au niveau mondial est une belle découverte (Figure 6) !
Ce gradient valide l’hypothèse de départ : il y a plus de nématodes au niveau arctique et subarctique (hautes latitudes) qu’au niveau des forêts tropicales (basses latitudes). Il y a cependant (comme souvent) quelques exceptions. Dans la Cordillère des Andes et dans les Alpes par exemple, il y a une abondance relativement élevée de nématodes malgré une plus faible latitude. Cela s’expliquerait par la teneur en carbone élevée de ces régions, qui permettrait une activité microbienne intense (c’est-à-dire plus de bactéries ou de champignons…) et donc des ressources disponibles pour plusieurs groupes de nématodes (…pour les bactérivores ou les fongivores !). À l’inverse, les déserts sont pauvres en carbone et ne favorisent pas l’installation de la nématofaune. Finalement, la température n’est pas la caractéristique la plus importante pour expliquer la répartition des nématodes. Le modèle statistique révèle en effet que ce sont les caractéristiques du sol qui façonnent avec force la nématofaune à l’échelle mondiale. Les effets du climat qu’il pourrait y avoir sur les nématodes ne seraient donc pas directs mais agiraient plutôt indirectement via la modification des caractéristiques du sol. Une nuance à préciser si l’on veut mieux comprendre la nématofaune.
La plupart des hotspots de biodiversité (littéralement, les points chauds pour la conservation de la biodiversité) qui nous viennent spontanément en tête se situent en général dans les régions tropicales. En réalité, ce n’est pas du tout le cas pour la nématofaune qui est bien plus présente dans les régions tempérées et sub-arctiques (Figure 7) ! Dans les forêts tempérées en France, nous avons donc plus de nématodes sous nos pieds que si nous étions dans une forêt tropicale en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud ! Je vous l’avais dit que ça changerait (un peu) votre conception du monde ! Nous avons pourtant exploré ici seulement une partie des sols terrestres. Imaginez encore toutes les espèces qu’il reste à cartographier pour leur donner plus de visibilité. Comme rien n’est acquis, le réchauffement climatique en cours rend certains hotspots encore plus « chauds » et risque de nous obliger à redessiner beaucoup de cartographies des espèces ! [Pour approfondir : voir note H]
Malus et bonus de l’étude
Dans ce travail, aussi impressionnant qu’il puisse être, on doit poser des limites sur les conclusions. En effet, il y a de nombreux biais : échantillonnage sous-représenté dans certaines régions, peu de nématodes récupérés dans certains échantillons, variations climatiques saisonnières ignorées, force de prédiction par le modèle inégale selon les régions, etc. Tout cela biaise la cartographie obtenue. Les auteurs en sont conscients et discutent dans l’article des améliorations à apporter. Aussi, à une échelle plus fine sur la carte, il peut y avoir de grandes variations des caractéristiques du biome à un point donné, et par conséquent de mauvaises prédictions d’abondance de nématodes. Mais à l’échelle mondiale, la force de prédiction du modèle est suffisamment grande pour conclure sur les tendances qui se sont dessinées. D’autres analyses viendront peut-être les confirmer.
Cerise sur le gâteau pour finir : en additionnant la densité des nématodes à chaque pixel, van den Hoogen et ses collaborateurs ont pu estimer le nombre total de nématodes [pour approfondir : voir note C] et je peux vous dire qu’ils pèsent dans le milieu ! Avec un total d’environ 440 milliards de milliards d’individus, les nématodes du sol pèseraient environ 0,3 gigatonnes ! En comparaison, cela représente 82 % du poids de l’ensemble de humains ! Cette donnée conforte la place exceptionnelle des nématodes dans le règne animal et permet d’estimer leur part jusqu’ici peu reconnue dans les échanges de carbone avec l’atmosphère. Le modèle à haute résolution de cette étude pourra aider à mieux comprendre et anticiper l’impact des nématodes sur le fonctionnement des sols et de la biosphère.
Éléments pour approfondir
Note A
Pour les curieux, vous pouvez rechercher des photos, la cartographie et de nombreuses autres informations sur tout type d’espèce qui vous est plus ou moins proche sur le site du GBIF — Global Biodiversity Information Facility (en français, Système mondial d’information sur la biodiversité). Cette base de données internationale a pour but de fournir à tous un accès libre aux données sur toutes les formes de vie sur Terre.
Note B
Les trois « pères » du modèle Caenorhabditis elegans (Sydney Brenner, John Sulston et Robert Horvits) ont reçu le prix Nobel en 2002 pour leur travaux sur la régulation génétique de l’organogenèse et la mort cellulaire programmée.
Note C
Pour ceux qui aiment les gros chiffres et la taxonomie, il existerait 256 familles de nématodes, comprenant plus de 2 270 genres et 25 000 espèces, ce qui représenterait 1,5 % du nombre total d’espèces animales. Pour comparaison, les espèces d’arthropodes (dont les insectes font partie) en représentent 78,5 % [3]. Mais les espèces de nématodes sont parfois difficiles à distinguer entre elles et leur habitat reste méconnu, comme le montre d’ailleurs ce papier mâché, ce qui suggère que le nombre d’espèces de nématodes serait sous-estimé. On mesure plus facilement leur importance en nombre total d’individus. Dans le sol, ils seraient de loin les animaux les plus abondants [4]. D’après la publication vulgarisée ici, les auteurs ont estimé le nombre total de nématodes dans la couche superficielle terrestre (les 15 premiers centimètres échantillonnés du sol) et ont trouvé approximativement un nombre gigantesque de… nématodes. Pour chaque humain, il y aurait 57 milliards de nématodes du sol !
Note D
Pour avoir un aperçu de la morphologie des nématodes, suivez ce lien.
Note E
Pour toutes les raisons que nous venons de développer, les nématodes peuvent être utilisés comme d’excellents indicateurs de l’état biologique du sol, c’est-à-dire qu’ils permettent d’obtenir des indices sur la vie dans un sol. Plus les nématodes libres du sol sont abondants, plus cela signifie que le sol est biologiquement actif. En revanche, la présence d’une seule espèce de nématode parasite de plante indique un système déséquilibré. Cela peut être lié à une anthropisation du sol générée par une agriculture intensive, un mode de culture ou une gestion des nutriments inapproprié(e)s qui entraînent des risques de perte de rendement des cultures agricoles. Les bactérivores et fongivores, quant à eux, renseignent plus particulièrement sur l’état du réseau trophique : plus il y en a, plus cela signifie que les ressources (bactéries et champignons respectivement) sont disponibles pour eux. Enfin, la faible présence des omnivores reflète les perturbations physiques ou chimiques du sol. Eh oui, les nématodes sont des êtres grandement sensibles aux perturbations ! Finalement, s’intéresser aux nématodes, c’est très utile pour étudier un écosystème comme le sol parce qu’on peut le caractériser d’un point de vue de sa diversité et de son fonctionnement. On parle de groupes fonctionnels de nématodes car, selon leur groupe trophique et leur mode de vie, on en déduit leur rôle au sein de l’écosystème terrestre. C’est aussi très important car la vie dans le sol a un rôle dans la fertilité du sol et les cycles biogéochimiques de la Terre. En effet, les nématodes contribuent de manière significative aux cycles des nutriments et notamment aux flux d’azote, élément essentiel pour la nutrition des plantes, et de carbone, via les échanges de CO2.
Note F
Il existe des techniques classiques d’identification et de quantification des organismes présents dans un échantillon basées sur la méthode par PCR. Elles ont déjà décrites dans d’autres papier-mâchés (ici par exemple). On peut, en théorie, identifier des nématodes dans un sol grâce à la détection d’un gène qui leur est spécifique par PCR, ou bien quantifier les nématodes par PCR quantitative. En pratique, il y a différents verrous techniques qui rendent incomplètes les cartographies de nématodes basées sur de telles approches moléculaires. En effet, les bases de données moléculaires sont insuffisantes pour les nématodes, ce qui empêche de les identifier précisément, et la quantification est seulement relative (on peut calculer les proportions de groupes de nématodes mais pas leur abondance totale). Finalement, l’observation morphologique au microscope est, certes beaucoup plus longue que les approches moléculaires (car elle requiert l’œil avisé et la patience de nématologistes), mais elle est très documentée. Elle permet donc une identification correcte et un comptage absolu des nématodes : l’abondance totale de chaque groupe fonctionnel de nématodes a ainsi été calculée par les spécialistes de ce papier.
Note G
Voici plus en détail comment les auteurs ont modélisé la carte d’abondance des nématodes (promis, ça ne fait pas mal à la tête). Ils ont commencé par évaluer des tendances. Pour cela, ils ont mesuré les co-variations entre les caractéristiques climatiques, pédologiques ou floristiques des biomes (plus simplement dit, des caractéristiques comme la température, la texture du sol ou le type de végétation) et l’abondance des nématodes. Par exemple, ils ont trouvé que l’abondance totale des nématodes varie positivement avec la quantité de carbone du sol, tandis qu’elle varie négativement avec le pH. Autrement dit, cela signifie que plus il y a de carbone et plus le sol est acide (pH bas), plus il y a de nématodes. À partir de ces tendances, une suite d’analyse en machine-learning (néologisme qui peut se traduire par « apprentissage automatique par des machines ») a permis de déduire l’abondance des nématodes d’après les caractéristiques connues du biome des endroits inexplorés par cette étude. Concrètement, si un échantillon présente une texture du sol sableuse et très peu de nématodes, alors il y a des chances pour qu’à un autre endroit avec des caractéristiques proches (sable, chaleur et peu de végétation) les nématodes aient justement là aussi… déserté. Les chercheurs ont validé la robustesse de cette méthode en modifiant les valeurs des caractéristiques des biomes aux endroits échantillonnés pour vérifier s’ils retrouvaient bien les valeurs d’abondance qu’ils avaient mesurées. Si l’échantillonnage est suffisant et la méthode d’analyse correcte, alors l’erreur sur l’abondance calculée est faible par rapport à l’abondance comptée avec le microscope. Différents modèles de machine-learning ont été testés et celui qui donnait le moins d’erreur a été choisi. C’est de cette manière qu’ils ont pu créer un modèle de carte du monde terrestre représentant la densité et la composition en groupes fonctionnels des nématodes. La résolution est très haute puisque chaque pixel sur la carte équivaut à 1 km² sur Terre. On pourrait même y situer le terrain ou le parc à côté de chez soi !
Note H
Par exemple, une autre étude [5] a modélisé le nombre de pathogènes du sol et prédit une augmentation future de leur proportion. En effet, les sols sont des réservoirs de pathogènes de plantes (dont des champignons par exemple) et leur incidence est favorisée par la hausse des températures.
[1] Edwards S. L., et al., A novel molecular solution for ultraviolet light detection in Caenorhabditis elegans. PLoS Biology, 2008. DOI : 10.1371/journal.pbio.0060198. [Publication scientifique]
[2] Song D. et al., Large-scale patterns of distribution and diversity of terrestrial nematodes. Applied Soil Ecology, 2017, DOI : 10.1016/j.apsoil.2017.02.013. [Publication scientifique]
[3] Zhang Z.-Q., Animal biodiversity: An update of classification and diversity in 2013. Animal Biodiversity: An Outline of Higher-level Classification and Survey of Taxonomic Richness (Addenda 2013). DOI : 10.11646/zootaxa.3703.1.3. [Publication scientifique]
[4] Bardgett R. D. & van der Putten W. H., Belowground biodiversity and ecosystem functioning. Nature, 2014. DOI : 10.1038/nature13855. [Publication scientifique]
[5] Delgado-Baquerizo M., et al.,The proportion of soil-borne pathogens increases with warming at the global scale. Nature Climate Change, 2020. DOI : 10.1038/s41558-020-0759-3. [Publication scientifique]
Belle présentation pour un sujet qui jusqu’alors était pour moi très abstrait…